Mont-Blanc, par les 3 Monts (74)

J’écris ce récit de montagne presque 10 ans après l’épopée. Les sentiments et sensations sont donc lointains mais de nombreux souvenirs sont encore bien encrés dans ma mémoire, probablement biaisés, mais c’est les traces qu’ils m’ont laissé aujourd’hui.

Génèse

Tout débute l’hiver 2014, à un moment de nos vies où nous cherchons de nouveaux challenges sportifs et physiques avec Victor. Il a alors la brillante idée de découvrir un nouveau sport alors que nous sommes déjà de réguliers pratiquants du ski alpin.
Il trouve alors une initiation au ski de randonnée avec l’idée d’aboutir sur une course majeure de l’alpinisme, Chamonix Zermatt.

Initiation alors au ski de randonnée à la frontière entre Oisans et Ecrins, à La Grave sous la direction de Romain, qui deviendra alors « notre » guide pour plusieurs aventures. Nous accrochons bien avec lui, dans le challenge et la performance, il a l’attitude qui à ce moment de nos vies nous stimule beaucoup. Nous conclurons à l’issue de l’initiation de nous revoir pour de nouveaux challenges avec l’idée de se préparer à un Mont-Blanc cette même année (exit Chamonix – Zermatt). C’est ainsi que nous ferons nos premiers raids à ski et notre premier 4000 mètres ensemble au Dôme des Ecrins.

En route vers un premier Mont Blanc

Nous voici donc à l’issue de notre course au Dôme des Ecrins, Romain nous demande de nous tenir prêt dans la semaine pour partir au Mont Blanc. L’idée initiale est de réaliser l’ascension par les 3 Monts (Tacul, Maudit, Mont Blanc) depuis le Refuge des Cosmiques. Cependant, la météo n’est pas bonne. Il n’y aura d’ailleurs que très peu d’ascensions du Mont Blanc en ce mois de Juin 2014.

Puis un matin, Romain nous appelle pour nous dire qu’un créneau météo s’ouvre pour le lendemain. Mais cela implique un changement de programme, nous ne pourrons pas monter au Refuge des Cosmiques et il faudra faire l’ascension à la journée. Le programme s’oriente donc vers la montée par la première bene qui nous mènera au à l’Aiguille du Midi. Initialement nous devions traverser les 3 Monts et nous redescendrons par la voie normale du Gouter, mais Romain nous dit qu’à la journée ce programme est trop ambitieux et nous devrons redescendre par les 3 Monts pour reprendre le téléphérique.

Victor est moi relevons le défi, nous faisons nos sacs et prenons une nuitée dans un hotel à Chamonix pour être sur place aux aurores.

L’Aiguille du Midi

Il est alors tôt, je ne me souviens plus de l’heure, mais pour autant il n’est pas si tôt que cela car la première bene ne monte pas de nuit, il fait déjà bien jour. Nous rejoignons alors Romain au départ du téléphérique, excités et impatients de s’attaquer à ce beau programme. Première montée à l’Aiguille du Midi pour moi. J’ai le souvenir que c’était assez rapide, ou court, ou alors l’impatience faisait que le temps s’écoulait d’autant plus vite.

De là, nous débarquons, nous nous équipons (crampons et l’on s’encorde) et amorçons la traversée de l’arête de l’Aiguille du Midi sous un grand soleil, une météo clémente sans vent. Première mise en ambiance, l’arête est bien effilée et il n’est pas trivial de croiser des alpinistes à sens inverse. Pour autant les conditions sont bonnes, la trace est assez large et en neige sans glace.

Direction le Tacul puis le Mont Maudit

Première phase aérienne passée, en vient un traversée relativement plate du glacier pour passer le Col du Midi et rejoindre le pied du Mont Blanc du Tacul par sa face Nord. J’ai un souvenir assez mince de la montée de cette face. C’est raide mais pas trop, on y monte en diagonal pour rejoindre assez aisément l’épaule du Tacul qui nous permet de basculer face Sud Ouest en direction du Mont Maudit.

De là, nous traversons la combe en restant sur les mêmes courbes de niveau et rejoindre la face Nord du Mont Maudit qui mène au Col du Mont Maudit.

Sur le coup, nous nous retrouvons face à un pan de montagne bien plus raide avec des pentes au delà de 45°. Romain en premier de cordée et bon guide, nous fait la trace et les marches qui nous permettent de rejoindre le Col, toujours sous un grand soleil dont j’ai le souvenir qu’il nous éclaire de pleine face.
Paradoxalement, j’ai le souvenir que ce passage plus raide passe assez vite et sans grande difficulté.

De là, nous passons l’épaule du Maudit et nous orientons Sud Ouest en direction du Mont Blanc.

Les derniers mètres d’ascension pour le sommet du Mont Blanc

Nous avons maintenant face à nous la dernière phase d’ascension, nous en devinons le sommet et cela rend l’objectif d’autant plus atteignable. Les pentes sont plus douces, mais l’altitude fait forcément son effet, les 500 derniers mètres étant forcément les plus durs.

J’ai assez peu de souvenir de cette phase. Je me souviens de me concentrer sur le rythme de ma respiration, comme en course a pied. Sauf qu’à la différence de la course, mes foulées sont sensiblement plus lentes ! Au moins une à deux secondes de pause entre chaque pas, mais pour autant la respiration reste rapide, on cherche un peu d’air.

La suite va être assez courte.
Je me souviens d’être sur un zone de replat, et de voir le sommet 400m au dessus de nous, à cet instant je me dis que c’est gagné et que nous arriverons à atteindre l’objectif.

Nous avançons un peu, faisons un virage et soudainement, Romain se retourne les bras en l’air nous félicitant d’être arrivés au sommet. Vous l’aurez compris, il m’en manque un morceau.
De toute évidence, mon cerveau a cessé toute activité pendant près d’une heure du pied de la dernière montée à son sommet.

Nous sommes tout de même très heureux ! Nous nous enlaçons et immortalisons le moment d’une photo avec la marmotte, peluche que j’avais monté au sommet et que Romain nous avait offerte au sommet du Dôme des Ecrins.

L’interminable redescente

Il fait bon au sommet. La météo est clémente, peu ou pas de vent, un beau soleil, personne ou quasi personne. Nous prenons le temps d’un pique nique. Je n’ai pas l’appétit, le moment de « blackout » a dû laisser quelques traces digestives, mais je me force de manger quelques bouchés de notre classique sandwich au pain de mie et viande séchée.

De mon souvenir, Romain nous propose de redescendre par la voie du Gouter étant plutôt en avance sur l’horaire. Cela nous permet de faire la traversée plutôt qu’un aller-retour. Ca nous convient bien !

Nous attaquons donc la descente. Ici la gravité joue en notre faveur. Il faut avoir l’esprit clair pour mettre une pied devant l’autre, mais l’effort physique, même si la fatigue grandit, est moindre.
Je passe devant comme nous avons coutume de faire dans notre cordée. Et c’est parti pour la longue descente vers la vallée.

Nous arrivons assez rapidement au refuge du Gouter. Romain y passe une tête et le refuge est plein. Il nous invite à ne pas vouloir y rester au risque de passer un nuit inconfortable.

Nous continuons donc la descente par le réputé Grand Couloir. Réputé pour sa dangerosité et ses nombreux cailloux ou rochers qui déboulent dans le couloir à traverser.
Avant d’arriver à la zone exposée, je me souviens d’une longue descente, presque une desecalade dans un amas de rochers plus ou moins péteux. Puis en effet, nous arrivons rive gauche du couloir, un cable en fait la traversée et des cailloux chutent dans le couloir. On se fait briefer par Romain, c’est assez simple, on se dépêche, sans courir, non encordés. Tout se passe bien et comme prévu au contraire de ce que l’on aura l’occasion de constater lors de notre seconde ascension du Mont Blanc par Bionnassay.

Nous voici juste au dessus du refuge de Tête Rousse. Nous le rejoignons, nous sommes au milieu de l’après midi maintenant. A nouveau Romain y passe une tête pour la même conclusion.

Direction le refuge du Nid d’Aigle ! On est fatigués, mais cette partie de l’itinéraire est joueuse ! Dans des pentes suffisamment douces, mais assez raides pour glisser, il suffit de s’assoir pour faire de la luge dans des canaux déjà tracés par nos prédécesseurs. On gagne sacrément du temps, les 800 mètres de descente sont avalés en moins d’une heure, nous arrivons au dessus du Nid d’Aigle, notre salut pour cette journée bien remplit.

Un repos bien mérité

Arrivée au refuge, il me semble que nous étions seuls avec le ou la gardienne. Nous nous enfilons quelques bières et mangeons comme des ogres affamés. La descente en altitude nous fait retrouver une certaine vigueur, même si la fatigue reste bien présente.

Après le repas bien mérité, nous filons nous coucher en dortoirs, du coup bien vides. Nous y passerons une très bonne nuit. De mémoire nous nous levons assez tard, du moins j’ai le souvenir que Romain nous fait remarqué qu’il n’avait pas ou rarement dormi aussi tard en refuge.

Après notre petit déjeuner, nous sommes prêts, mais nous devons patienter pour attendre le premier départ du train pour redescendre dans la vallée. Nous nous concertons et nous choisissons l’impatience. C’est en courant que nous descendrons le sentier qui descend jusqu’aux Houches. Et c’est donc parti pour une dernière séance de descente, sacs bien chargés sur le dos, j’ai d’ailleurs le souvenir que Romain a trébuché sur le sentier, son sac de guide chargé comme un mulet sur son corps tout sec de soixante kilogrammes au maximum l’avait entrainé dans le fossé.
Les mètres se déroulent vite et nous voici en fond de vallée. Nous prendrons une navette bus pour rejoindre Chamonix.

Une belle et grande aventure. Sans aucun doute la plus grande de notre jeune expérience d’alpinistes. Après avoir mis ce grand sommet à notre tableau des trophées, cela ouvrira la voix à notre passion pour la montagne, notre apprentissage à l’autonomie et aux nombreuses courses moins renommées mais toutes aussi passionnantes les unes que les autres.

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