Dent du Géant (74)

Ambition initiale de cette ascension, réaliser en trois jours la traversée Dent du Géant, Arêtes de Rochefort et éventuellement la Point Walker, premier sommet des Grandes Jorasses. Le tout en quasi autonomie totale et donc nuitées en bivouac. La météo ne s’annonce pas au beau fixe mais pas pourrie pour autant. On tente alors le coup, équipe de quatre compagnons avec Pierric, Victor et Yo.

Il est vrai que pour préparer cette expédition, nous avons réalisé un test tous les quatre. Quelques semaines plus tôt, nous nous retrouvâmes en Vanoise en direction de l’Aiguille de Polset avec l’intention de passer la nuit en bivouac sur le Glacier de Gébroulaz. Une bien belle expérience et sortie en ski où nous avions pu valider le fonctionnement de notre cordée à quatre, ainsi que nos équipements étaient adaptés aux nuitées un peu froides.

Nous voilà donc à covoiturer depuis Annecy en direction de l’autre côté du Massif du Mont-Blanc par son tunnel. Nous dormirons, en camion aménagé cette fois, au pied du téléphérique de Courmayeur afin de prendre la première bene de La Palud nous montant sans effort mais encore équipés de nos masques chirurgicaux jusqu’à la Pointe Helbronner. 2000 mètres d’efforts économisés (que je payerai plus tard dans ce récit par le manque d’adaptation à l’altitude) !

Nous voici donc à la Pointe Helbronner, non loin du Refuge de Torino à près de 3500 mètres d’altitude. D’ici nous nous équipons de notre matériel de progression sur glacier ; baudrier, corde, crampons notamment avant de mettre pied sur la Glacier du Géant que nous traverserons en suivant en quasi continue la même courbe de niveau jusqu’au pied de la Dent du Géant. Du moins, son pierrier qui débute aux environs de 3500 mètres d’altitude jusqu’au pied du massif granitique qu’est la Dent du Géant aux environs des 3850m.

La montée de ce pierrier est déjà une bonne mise en ambiance. En effet, l’itinéraire est tout sauf évident, les rochers de granite ne sont pas tous stables, de tailles variables et entremêlés de neige et de glace. Nous nous frayons notre chemin, nos sacs chargés de tente, sac de couchage, matelas, repas pour plusieurs jours et matériel d’escalade. Nous arrivons aux alentours de midi au pied de la Dent que l’on appelle la salle a manger. Nous installons notre campement pour la nuitée à venir et y laissons le matériel non nécessaire à l’ascension de la Dent du Géant. C’est ainsi que nous pouvons démarrer, en bons derniers puisque nous dormons sur place, l’ascension de ce rocher culminant au delà des 4000 mètres au dessus du niveau des océans.

Nous sommes quatre, alors nous formons deux cordées de deux. Pierric et Yo ouvrent la voie, Victor et moi suivons. De mémoire, les premiers mouvements ne sont pas aisés (après vérification, c’est du 5c, ce qui justifie la trace laissée en mémoire), d’autant qu’il fait un peu froid, nous sommes dans une partie ombragée. Mais très rapidement nous passons dans une section ressemblant plus à du terrain d’aventure (en effet, du 4). C’est assez ludique, il reste un peu de neige dans cette portion en forme de couloir, un peu plus ombragée et moins raide.
Je me souviens qu’un guide et sa cliente nous sont passés litéralement dessus, un guide Corse qui visiblement n’avait pas l’intention de trainer, au détriment de sa cliente qui se faisait trainer un peu sauvagement.

Une fois ce passage enjambé, nous attaquons la portion d’escalade la plus belle, les fameuses plaques Burgener qui donnent le nom à cette voie normale d’ascension à la Dent du Géant. Niveau difficulté, des dalles en 5, mais il y a tout de même des prises dans des fissures, un bon grip sous le pied (je suis en chaussures d’alpinisme) et sans oublier une grosse corde fixe tout du long de la voie. Solution de secours dont j’ai aisément abusé dans mon style alpin, les grimpeurs auraient crié au scandal !

Ce moment est un pur plaisir, la paroi est large, le rocher robuste, la vue incroyable, nous sommes dos au Mont Blanc et au dessus des Glaciers du Géant et de la Vallée Blanche. Une grande sensation de vide derrière nous, lorsque l’on frôle l’extrémité gauche de la paroi, nous pouvons y passer la tête par dessus et là, plus rien. Autant dire qu’il faut avoir l’estomac bien attaché. En tout cas, à moi ca ne me laisse pas insensible !

De là nous nous dirigeons vers ce qui est selon moi la partie la plus difficile de cette ascension, une espèce de cheminée, un dièdre raide et peu prisu (5c) comme ils disent dans le topo. A vous dire, même avec la corde ça n’est pas trivial ! Et bon un passage physique à quasi 4000m d’altitude, ca entame sérieusement la forme ! Je me souviens que même Victor en avait eu pour son argent.

De là tout se simplifie, les parties raides sont derrières nous et nous finissions sur une topologie plus proche de la course d’arête jusqu’à rejoindre le sommet et sa vierge.

Sommet de la Dent du Géant

Petite pause bien méritée au sommet avant d’attaquer la descente en rappel qui nous mène au pied de la dent, là où nous avons déjà installé la tente, impossible d’être plus précis !

Début de soirée pour un spot bivouac incroyable en haute altitude. Mais tout ne se passe pas vraiment comme prévu.
Tout d’abord, on a mal géré le gaz. Une seule grosse popote pour faire fondre la neige, mais avec ce froid et à cette altitude, il n’est pas bien efficace de faire fondre des grosses portions de neige sur un camping gaz, nous aurions du prendre des réchauds plus techniques et puissants.
Secondement, je commence à ressentir les effets nocifs de l’altitude comme je ne les avais jamais ressentis auparavant. Perte d’appétit, nausées, fatigue, après vérification ce sont les symptômes classiques d’un mal des montagnes. Les autres vont bien en revanche après cette belle journée.

La nuit n’en sera pas meilleure, j’ai certainement réussi à dormir, mais je ne me sens pas bien, au petit déjeuner je n’arrive pas à avaler grand chose. Bonus, le temps se gâte, nous étions partis un peu au petit bonheur la chance en se disant que la météo variable annoncée jouerait peut être en notre faveur, mais ce n’était clairement pas le cas. Le plafond nuageux s’écrase autour de nous, ils annoncent pas mal de vent et la suite du programme ce sont les Arêtes de Rochefort, de longues et effilées arêtes de neige nous menant jusqu’au pied des Grandes Jorasses.
La décision est prise collectivement (merci les copains), notre aventure s’arrêtera ici pour cette fois.

Retour vers le refuge de Torino. Après la descente toujours aussi piégeuse du pierrier en contrebas de la Dent du Géant, nous revoici sur le Glacier du Géant pour retourner au téléphérique. Dès lors que nous étions sur le glacier, autour de 3100m, mon esprit et mon corps se désembuent, les nausées s’estompent, je vais déjà mieux. Les quelques centaines de mètres descendues font déjà la différence, confirmant l’analyse sur les causes des symptômes. C’était « juste » un problème d’altitude, certainement explicable par la montée en bene qui ne prépare pas le corps à la baisse en oxygène due à la haute altitude.

Nous reviendrons certainement par ici, les Arêtes de Rochefort étant une des courses que je rêve de réaliser depuis plusieurs années déjà.
Pour l’heure, encore une fois merci à dame nature de nous avoir proposé ces paysages grandioses dans le pays du Mont Blanc.

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